 Lorsqu’on évoque la 7e Symphonie op. 92 de Beethoven (1811), on pense immédiatement au sous-titre que lui donna Wagner : l’Apothéose de la danse. Mais c’est oublier le caractère énigmatique de son second mouvement, Allegretto, souvent interprété comme un Andante, dans lequel André Boucourechliev voyait un « mouvement de danse, ou un poème de la plus indicible mélancolie ». C’est ce mouvement, dans la transcription pour piano qu’en fit Liszt (1837), qui constitue le point de départ en quelque sorte le fil rouge de l’enregistrement proposé parle jeune Aris Alexander Blettenberg (1994). Prise dans un tempo plutôt retenu (09’19), accentuant le côté pathétique de la partition, cette interprétation plonge l’auditeur dans un univers où des rais de lumière éclairent soudainement les obscurs mystères d’une âme tourmentée (les guerres napoléoniennes, la surdité croissante). Succèdent à cet extrait les Études en forme de Variations libres que Schumann composa sur le thème de Beethoven (WoO 31, 1831-1835), dont les 15 modifications font alterner les mêmes éclairages contrastés d’une sensibilité en souffrance, rendus avec finesse par l’interprète qui choisit de prolonger ces harmonies et ces rythmes ambigus par la Sonate en la majeur op. 101 de Beethoven. Le caractère déjà cyclique de cette œuvre, comme l’indique Patrick Szersnovicz expose une « distorsion invivable entre l’appel au rêve (premier et troisième mouvements) et l’invitation à l’action (deuxième et quatrième), qui prolonge admirablement le chemin entamé menant par des voies ardues jusqu’aux étoiles (per aspera ad astra). Aris Alexander Blettenberg fait preuve dans cette œuvre d’un art consommé des nuances auquel on pourrait toutefois reprocher d’oublier l’énergie incandescente d’un Wilhelm Backhaus live ou la poésie plus intime d’un Wilhelm Kempf, voire d’un Murray Perahia, mais on laissera plutôt au lauréat du célèbre concours international de piano Ludwig van Beethoven de Vienne (octobre 2021) le temps de mûrir encore et s’étoffer. Il clôt enfin son CD avec une adaptation pour piano de son cru du célèbre lied An die Hoffnung (1805), qui célèbre l’espoir dont le voyageur quittant les ténèbres ne doit jamais se départir pour rallier les étoiles, et nous présenter au passage une très belle et intéressante carte de visite. (Jacques-Philippe Saint-Gerand) The programme on this CD begins and ends with transcriptions of works by Beethoven. The first piece is the Allegretto (2nd movement) from Beethoven’s 7th Symphony in the arrangement by Franz Liszt, and the programme ends with a solo piano version of Beethoven’s song An die Hoffnung, created especially for this CD. The two pieces form a framework of sonorities and emotions that set the basic mood for this musical journey. The Allegretto serves as a prologue: it looks ahead, indicating the direction we shall be taking. At the other end of the programme, the song transcription serves as an epilogue: it looks back, taking stock of all that has occurred. On the one hand, there is a somber mood that runs through the entire programme: we find it in the Allegretto’s passages in minor, in the Schumann variations, in the third movement of the Beethoven sonata, and in the recitativo-like passages of An die Hoffnung. These are complemented by episodes of light: the A-Major sections of the Allegretto, the first, second, and fourth movements of the sonata, and, ultimately, the hopeful, optimistic sonorities we find in the song transcription with the final cry: “O, Hope!” (Aris Alexander Blettenberg)
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