 Avant de composer sa célèbre symphonie concertante pour violoncelle et orchestre op. 125, Serge Prokofiev la fit précéder par une ébauche : un concerto, moins connu, dont l'histoire fut pour le moins laborieuse (mésentente avec les solistes Grégor Piatigorsky et Lev Berezovsky puis fiasco à la création à St -Pétersbourg). Pour des raisons politiques et circonstancielles, Prokofiev dut patienter pour avoir un violoncelliste à la hauteur (Maurice Gendron Londres 1945) mais la première européènne à Londres reçu un accueil aussi tiède. Finalement, encouragé par son ami Mstislav Rostropovitch, il dût réécrire complètement l'œuvre (préservant les thèmes tout en modifiant la forme) pour aboutir à l'op. 125 qui eut droit, grâce à Rostro comme ambassadeur, au succès populaire. Le concerto op. 58 est imprégné des musiques de scène que Prokofiev composait à la même époque (Roméo et Juliette, Alexandre Nevsky), comme toujours chez le compositeur russe, le matériau musical semble s'autogénérer dans un mouvement épique et irrépressible. Le violoncelle, impérieux, lutte à armes égales avec un orchestre vindicatif intelligemment desservi. La virtuosité supérieure de Steven Isserlis sert à merveille le théatre de Prokofiev. Du thème héroïque d'entrée, à l'époustouflante et énigmatique coda, les variations sont d'une difficulté redoutable et Isserlis les enchaîne comme des perles. Son instrument, impérial, ne grince jamais et son jeu cajole une ligne mélodique régulièrement perturbée. A côté, le premier concerto de Chostakovitch paraît intellectuel, méditatif et introverti. La mécanique musicale déborde là aussi l'individu et le soliste doit faire face au pouvoir oligarchique de l'orchestre. A la tête de celui de Frankfurt, Le chef Paavo Järvi fait ici un travail remarquable, lançant chaque thème comme des flèches que le violoncelliste rattrape de l'archet pour s'en repaître. Idem pour la citation beethovénienne de la Cadenza. Final ahurissant. En bis de ce presque concert (tant l'échange, l'urgence y sont présentes), une transcription de Piatigorsky concoctée par Steven Isserlis : une petite marche tirée des Musique pour enfants op. 65 de Prokofiev. A saisir. (Jérôme Angouillant)  A thrilling album from Steven Isserlis couples the ground-breaking Prokofiev Cello Concerto from the 1930s with Shostakovich’s eruptive response to it written for Rostropovich in 1959. These seminal works mark the cello’s coming of age, enveloping its trademark rhapsodic lyricism in a newly visceral passion. Paavo Järvi makes his Hyperion debut, conducting an ebullient Frankfurt Radio Symphony Orchestra and providing the ideal foil to Isserlis’s impassioned virtuosity.
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