Mozart, vingt-trois ans alors, l’aura laissé inachevée. Zaïde dormit dans les tiroirs, fut retrouvée et finalement crée à Francfort le 27 janvier 1876 pour le cent-vingt-cinquième anniversaire de la naissance du compositeur de la Zauberflöte. Singspiel à la Turc, son intrigue anticipait sur celle de Stefani pour L’Enlèvement au Sérail, Osmin y parait déjà d’ailleurs, l’ouvrage aura survécu, une fois redécouvert, par un merveilleux air de soprano « Ruhe Sanft ». Pour l’intégrale Mozart de 1976, Philips en grava un peu vite une lecture où Edith Mathis brillait et où déjà paraissait Werner Hollweg : l’enregistrement avait échappé à Leopold Hager, infatigable avocat des opus lyriques du tout jeune Mozart. Orféo lui offrit en janvier 1982, en marge des résurrections salzbourgeoise de l’ouvrage, d’en graver la seconde intégrale. Non seulement Wener Hollweg, un futur Idomeneo, y chantait Gomatz, mais en plus on lui confiait les parties du singspiel, interjections toujours délicates à placer dans le flot d’une musique qui ne sait pas toujours où elle va. Leopold Hager ne met peut-être pas assez de théâtre, mais l’équipe de chant, brillante, compense, et puis vous aurez le diamant de Judith Blegen pour « Ruhe Sanft » et cela n’a pas de prix… (Discophilia - Artalinna.com) (Jean-Charles Hoffelé) Un siècle après la défaite de la Sublime Porte devant celles de Vienne, la turquerie reste un genre à la mode. Pourquoi Mozart laissa-t-il Zaïde inachevée ? Hypothèse la plus probable : le compositeur ne trouva ni les solistes, ni l’opportunité de faire représenter son Singspiel à Salzbourg. Il n’y revint jamais, n’en recycla même pas le matériau pour l’Enlèvement au Sérail, créé à Vienne. Si les arguments sont similaires, Zaïde a ses propres beautés musicales (le splendide Ruhe sanft, le trio qui conclut l’acte I) qui ont font plus qu’un brouillon de l’Enlèvement et justifient une redécouverte. C’est l’esprit de cet enregistrement du milieu des années 1980 réalisé en parallèle à la nouvelle édition critique de l’œuvre. Leopold Hager au pupitre, l’esprit de Mozart souffle sur l’orchestre : tempos justes, naturel de la respiration, souplesse de l’articulation, et une écoute presque chambriste pour une distribution idéale : le charme du soprano léger de Judith Blegen opère immédiatement, Werner Hollweg compose un Gomatz viril et lyrique, Wolfgang Schöne phrase son Allazim avec noblesse, Robert Holl en Osmin livre un irrésistible numéro de basse buffa et quel plaisir de retrouver à son sommet Thomas Moser, dont le vaillance impressionne dans son premier air du II. Une belle intégrale, qui enrichit une discographie peu fournie. (Olivier Gutierrez)
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