Premier enregistrement mondial de Paria, un opéra de Stanislaw Moniuszko sur un livret de Jan Checinski. 6ème et dernière œuvre lyrique du compositeur, créé en 1869 à Varsovie, Paria représente sans doute une apogée dans l’écriture et le développement stylistique du compositeur. Influencé par l’opéra comique français, notamment Auber, et l’école italienne, cette œuvre, à travers ses chœurs imposants, rappelle surtout Aida de Verdi (1871), tout en l’avoir précédé.  Une surprise : lire le nom de Moniuszko au lieu de celui de Donizetti, dont on connaît l’ouvrage homonyme (introuvable jusqu’à l’édition Bongiovanni en 2009) fondé sur la même tragédie de Casimir Delavigne. Sombre histoire hindoue : la fille du brahmane amoureuse et aimée d’un valeureux guerrier que son père lui a choisi pour époux : tout va bien. Le fiancé est… un fils de paria, la caste honnie des brahmanes : tout va mal. Surtout lorsque surgit le père du jeune homme, qui lui interdit toute union avec une ennemie. Le garçon accepte de fuir avec lui, mais son père proclame leur situation à tous deux. Le dénouement diffère. Chez Donizetti, le fiancé est condamné à mort, son père aussi, la fille du brahmane les rejoint dans la mort et le brahmane exulte : la gloire et le pouvoir lui appartiennent désormais ! Chez Moniuszko, le fiancé est tué, la jeune fille choisit de partir avec son père, maudite par toute la communauté. Antigone après Chimène ou Juliette. Musique de charme, belle et douloureuse, y compris le ballet ! empreinte de toute la navrance de la destinée humaine : ce qui pouvait être poncif s’achève en méditation dramatique et cruelle. Superbe, et superbement chanté. (Danielle Porte)

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