 Première des oeuvres-cycles pour orgue d'un compositeur de 27 ans, La Nativité du Seigneur est aussi la plus connue et la plus enregistrée. Elle contient déjà pratiquement toutes les caractéristiques majeures du style de Messiaen : rythmes non rétrogradables, modes à transposition limitée qui renvoient, notamment, à la musique de l'Inde. La foi qui s'y exprime s'expose en 9 pièces dont les titres font référence aux figures de la Nativité (La Vierge et l'Enfant/Les Bergers par exemple) ou à des notions religieuses et théologiques : la Nativité étant incarnation, elle implique en effet déjà le sacrifice du Fils de l'homme (Jésus accepte la souffrance), est réalisation de la parole de Dieu (Le Verbe) et met littéralement celui-ci au milieu de nous (Dieu parmi nous, pièce qui clôt le cycle et annonce d'ailleurs d'une certaine façon les cycles suivants). Polyrythmie, accords montants et descendants, variations d'intensité dans les dialogues, tout dans l'oeuvre participe d'une symbolique que le compositeur a d'ailleurs explicitée dans ses écrits. OEuvre profondément novatrice en 1935, c'est cependant l'une des compositions les plus accessibles au néophyte : La Vierge et l'Enfant ou Les Bergers par exemple, présentent une structure de forme régulière, comportent des motifs récurrents, des citations liturgiques (le Puer Natus est) ou inventent une sorte de Noël populaire dans la tradition des Noëls français du XVIIIe siècle avec variation, sur des jeux de clarinette, de nasard, de hautbois. Tendresse, suavité et sérénité d'une évocation qui, dans sa modernité même, reste celle d'une atmosphère pastorale alternent avec l'expression de la puissance et de l'exultation, en particulier dans Le Verbe et Dieu parmi nous : utilisation de rythmes saccadés, de clusters, d'accords triomphants, toccata de la dernière partie, qui mobilisent toutes les ressources de l'instrument. L'interprétation de Pierre Pincemaille apparaît, pour l'ensemble, comme la plus rapide de toutes celles que nous avons écoutées. Choix qui ne nuit en rien à cette lecture et donne aux contrastes un relief saisissant. Jeu magistralement articulé, toujours très clair, où les plans sonores sont extrêmement bien différenciés. On admirera le caractère d'inéluctabilité, d'urgence, que donne l'interprète à la première section du Verbe, par rapport à la mélodie posément déployée dans sa deuxième section, le déferlement rythmique et acoustique du début des Enfants de Dieu, l'exultation proprement dansante des Anges, et surtout la vivacité bondissante, irrésistible, impétueuse, heurtée et en même temps puissamment inspirée du Dieu parmi nous. Une version exceptionnelle. (Bertrand Abraham)
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