 J’avais croisé l’allemand Kai Schumacher (1979-) au service d’autres compositeurs – en particulier dans une interprétation, avec trois autres pianistes, au Moers Festival 2020, de "Evil Nigger / Gay Guerilla" de l’afro-américain, radicalement anticonformiste, Julius Eastman, publiée chez le même éditeur –, compositeurs pour piano, américains et contemporains, desquels il s’est fait une spécialité (Steve Reich, Tom Johnson, Frederic Rzewski…), mais pas encore en tant qu’interprète de ses propres partitions. "Tranceformer", conçu comme une suite continue en six mouvements, exploite le piano, sans overdubs, sans électronique, préparé quand il le faut, accompagné parfois d’une batterie, d’un synthétiseur modulaire, voire d’un deuxième piano, pour une musique aux structures simples, minimales et répétitives, dont les motifs se déplacent, les uns autour des autres, les uns contre les autres, les uns sur les autres, selon un itinéraire plus intuitif que structuré – comme un enfant sage mais peu réfléchi trouve son chemin dans un labyrinthe : on y perçoit la formation académique de Schumacher, perturbée par une curiosité éclectique nourrie à la musique de danse, à la pop et à l’avant-garde. (Bernard Vincken)

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