 Deux œuvres rares encadrant le Schelomo de Bloch, qui depuis une génération manque quelque peu de héros pour porter sa prophétie, voila le projet osé de Julian Steckel, violoncelliste charismatique de la nouvelle génération allemande – je le place à égalité avec Johannes Moser. Ces trentenaires partagent tout deux une virtuosité crane et un sens des mises en perspective de leur répertoire éclairant. La sonorité de Steckel est plus profonde, plus ample que celle de Moser, et va comme un gant aux trois œuvres assemblées ici. Le "concerto-fantaisie" déduit par Korngold de la musique composée pour le film Deception fut écrit pour Eleanor Aller, l’épouse de Félix Slatkin, et son esprit de scherzo déploie un orchestre faramineux, entourant un jeu aventureux du soliste, plein de pizzicatos, de spiccatos, de coups d’archets percutants, une partition d’une virtuosité jouissive dont Julian Steckel ne fait littéralement qu’une bouchée, porté par l’orchestre si vif, si dessiné conduit par Daniel Raiskin. Pour Schelomo de Bloch, le violoncelle doit devenir un personnage, l’évocation sonore de Salomon. Rostropovitch y parlait littéralement, Julian Steckel épouse la tradition à la fois narrative et philosophique (l’œuvre est parcourue par le fameux « Vanité tout n’est que Vanité »)dont l’ont marqué depuis le créateur Hans Kindler les archets de Zara Nelsova, André Navarra puis de Janos Starker, et sa lecture orante et expressive, montrant toute la diversité des registres de sa grande caisse, nous vaut le plus éloquent Schelomo enregistré jusque là au XXIe Siècle. Ici encore, l’orchestre tempétueux de Raiskin n’est pas en reste, resserrant les grands crescendos avec un sens de l’effet clouant. Coda bien vu avec le Deuxième Concerto de Berthold Goldschmidt que le disque n’avait plus documenté depuis la gravure princeps de Yo Yo Ma avec Charles Dutoit pour Decca. Ecrit originellement en 1932 pour Emmanuel Feuermann, perdu durant la guerre puis reconstitué de mémoire et élargi à quatre mouvements en 1953, l’œuvres est un précipité de styles alliant des formules baroques, un saltarello irrésistible, et des musiques irrévérencieuses rappelant la République de Weimar. Toute cette diversité produit un style distancié, ironique, qui doit percer derrière l’écriture brillante, si exigeante pour le soliste comme pour l’orchestre : on l’entendra ici dans toute son irrésistible énergie, capté comme toute le disque par une prise de son magique (Discophilia - Artalinna.com). (Jean-Charles Hoffelé)

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