 Instrument millénaire et universel, sous différentes formes et dans des traditions musicales différentes, quelque peu marginalisée au cours du siècle romantique, la flûte connaît un regain d’intérêt (« Syrinx » de Debussy en 1912) au tournant du siècle dernier. Du fait de l’exigüité du spectre et de la faible puissance sonore de l’instrument, cette renaissance s’accomplit dans des formations orchestrales réduites, plus propices à son expressivité. Associée comme ici à l’alto, au violoncelle, à la contrebasse, à la harpe, la flûte s’épanouit dans l’univers de la sonate (Debussy, 1915), du trio (Roussel, 1929) de la sonatine (Huybrechts, 1934), et du concertino (Schulhoff, 1925). Quatre compositions qui jalonnent les voies modernes de l’instrument : Recherches de couleurs nouvelles, de nuances rythmiques, d’alliages de timbres inédits, lyrisme assumé passant du registre sonore extatique voire faunesque (pastorale de Debussy, andante du trio de Roussel), mystérieux, inquiétant (très lent de la sonatine de Huybrechts) au silence mais aussi recherche (ou retour à …) d’une dynamique chorégraphique (allegro du trio de Roussel, allegro furioso et rondo final du concertino de Schulhoff) s’opposant à l’« impressionnisme » debussyste teinté d’onirisme. Œuvres donc antérieures à « Densité 21.5 » de Varese (1936) qui changera le paradigme de l’instrument. Un bel enregistrement thématique, servi par de remarquables interprètes, qui permet aussi à l’auditeur de lever un coin du voile sur les mondes musicaux trop tôt interrompus d’Albert Huybrechts (1899 -1938), compositeur belge, type même de l’intransigeance et de la malédiction (Valérie Dufour) et de Erwin Schulhoff (1894-1942), compositeur tchèque, victime des nazis. Très recommandé. (Emilio Brentani)

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