 Le piano de Leos Janacek, après plusieurs décennies où seul un brelan de musiciens tchèques, Rudolf Firkusny, Radoslav Kvapil et Josef Palenicek furent ses inlassables avocats, a soudain conquis les pianistes et les mélomanes. Tous veulent dire leur Janacek, conscient des espaces de libertés poétiques ouverts dans le clavier par l’auteur de La petite renarde rusée. Leif Ove Andsnes et Aldo Ciccolini ont signé des anthologies faramineuses, mais ceux qui se sont risqués à graver l’intégrale restent peu nombreux. Et si Cathy Krier remportait la palme ? Son double album enregistré en 2013 est passé un rien inaperçu, je l’ai remis dans la platine en commençant par l’opus que je croyais le plus anecdotique, les Danses moraves. Ce jeu abrupt, obstiné, cette musique crue qui rappellent la manière dont Moussorgski écrivait pour le piano, personne ne les a données à entendre avec une telle rudesse, un sens si affuté du populaire. Ensuite les deux cahiers du Sentier recouvert, joués dans une lumière blanche assez inhabituelle, et commencés rapidement, avec une sorte de fièvre. L’anti – Firkusny. Mais un propos, un jeu sostenuto, sans cesse des idées. Cathy Krier ne fait évidemment jamais rien comme personne, on pourra détester d’autant que son piano réglé court n’est pas poète pour un sou, mais tout cela parle et vous emporte. J’ai l’impression que c’est Katia Kabanova qui joue du piano. Sommet de cet ensemble à conquérir de haute lutte, une Sonate effrayante à force de tensions et d’angoisses. Si vous n’avez pas froid aux yeux et aux oreilles, risquez-vous ici (Discophilia - Artalinna.com). (Jean-Charles Hoffelé)  Singulière, l'œuvre pour piano de Janácek n'est pas la partie la plus importante de sa production (à peine deux heures de musique) ni la plus virtuose ; elle est en revanche la plus significative car c'est bien une voix personnelle et intime qui parle et se confesse ici. Profondément enracinée dans le terroir morave et puisant aux sources de ses chants populaires, cette musique authentique et intègre s'exprime de manière simple et directe, spontanée et sans artifice. Dans ce double album qui rassemble l'intégrale la plus complète qu'il nous ait été donnée d'entendre, la jeune pianiste luxembourgeoise Cathy Krier fait merveille. Outre la possibilité de découvrir des pièces rares (plusieurs miniatures isolées ou encore le cycle dédié à Kamila Stösslová, le dernier amour - déçu - du musicien), son engagement, la fraicheur, la simplicité et la limpidité de son jeu révèlent les rythmes, la saveur, la rudesse et la brutalité qui traversent ces œuvres, mais également la rêverie, la mélancolie, la douleur et l'émotion contenues dans ces pages souvent inspirées par les drames et les aléas qui ont jalonné l'existence du compositeur, ce fameux "sentier recouvert". Equilibrée, sans réverbération excessive, la prise de son est superlative. (Alexis Brodsky)

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