 Lorsque l’invention musicale devient innovation, celle-ci peut aller jusqu’à investir les mots. Titres de recueils publiés ou dénominations de formes ont souvent de façon astucieuse attiré l’attention sur la dimension sensationnelle d’une démarche créatrice neuve tout en affrontant la réalité économique du marché par l’impact du cliché séduisant. Lointain écho de « La Stravaganza » et des « Capricci », « Incœrente » capture de façon comparable une tournure d’esprit, un caractère musical, à la seule différence que l’épithète provocateur introduit ici un duo de musiciens. Giorgio Dellarole, accordéoniste converti au baroque, et Alessandro Tampieri, violoniste se produisant à l’occasion avec Il Giardino Armonico ou l’Arpeggiata, confirment dans leur choix la maestria des italiens au jeu de l’allégorie sonore et visuelle rehaussant le concert et son annonce, la partition et son frontispice, l’enregistrement et sa pochette. Cependant, détour subtil, amenée comme un aveu concluant leur texte de présentation, l’« incohérence » de timbres et d’univers joue la fausse piste, l’illusion éphémère, le masque destiné à tomber pour laisser apparaître l’exigence et la maîtrise. L’accord au diapason 415 et l’étude rigoureuse de l’ornementation ont abouti à un résultat respectable. Une fois considérée comme mission impossible d’enseigner à la jovialité « premier degré » de l’accordéon certains côtés roués de l’extravagance du baroque pré-corellien, l’on pourra décemment défendre l’instrument en arguant des similitudes de respiration avec l’orgue positif dans les accords tenus de la basse continue. En revanche, dès qu’il prend la parole, sa matérialité sans nuances le fait répondre avec maladresse à l’élégance des arabesques du violon, élégance parfois (par contagion ?) compromise. La douceur arcadienne de l’archangélique Corelli en est souvent sacrifiée. Comme par principe devenu indiscutable, l’écriture abstraite de Bach digère l’intrusion. (Pascal Edeline)  Si les premières notes font penser au tango argentin, les suivantes nous détrompent vite. C’est bien du baroque dont il s’agit et le mariage de l’instrument moderne qu’est l’accordéon avec le violon permet aux deux artistes de nous faire redécouvrir les morceaux choisis. Jouant à la fois le rôle du clavecin dans Bach ou de l’épinette dans la toccata de Frescobaldi, l’accordéon met en valeur la ligne mélodique du violon et nous rappelle, par exemple dans la chacone de Merulla, le caractère particulièrement dansant de ces pièces et leurs proximités avec les airs populaires. Dans la sonate « la castella » de Mealli, le duo nous montre toute la douceur que peut apporter l’accordéon et la maitrise des nuances leur permet une progression d’une rare intensité. Enfin avec la sonate BWV 1019 en Sol Majeur de Bach, on ne peut que se rappeler l’universalité de la polyphonie du cantor de Leipzig dont la maîtrise permet des adaptations à une grande variété d’instruments. (Fabrice Autrique)
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