 Georges Benjamin né en 1960 est le plus francophile des compositeurs d'outre atlantique. Il fait ses études auprès d'Olivier Messiaen (pour la composition) et de Yvonne Loriod (au piano). Il est depuis devenu pianiste, chef d'orchestre, et un compositeur unanimement célébré. Comme Messiaen, Georges Benjamin possède une intelligence de la matière sonore (mélange d'intuition et de sensibilité) et sa musique est une combinaison de techniques pleinement maitrisées : logique de l'harmonie, du tissu orchestral, gestion des dynamiques, alliage des timbres, des couleurs et des résonances, structure du discours musical. Le langage est souvent fragmenté, accumulation de motifs et et de cellules qui se relayent et se nourrissent d'elle-mêmes. Cubiste et nucléaire. Cette science de la composition lui permet de créer des œuvres de durées variées (miniatures, lied orchestraux, « poèmes » symphoniques) pour des effectifs mûris, de la viole de gambe « baroque » (Upon Silence) au concept hardi d'électro-acoustique (Panorama). Hormis sa richesse instrumentale, son univers musical est à la fois narratif (nourri d'un sens profond) et cinématographique (car fondé par le mouvement). Il était logique que Benjamin s'attaque à la scène (Into the little hill 2005) et plus récemment à l'opéra (Written on skin - 2012). / Plusieurs des œuvres présentes dans ce disque ont pour source une image ou un poême. C'est le cas de Ringed by the flat horizon, évocation tumultueuse d'un orage basée sur une photo du désert du Nouveau Mexique et d'un poême d'Eliot : The waste Land. Ecrite à vingt ans et jouée aux prom's de Londres, la pièce rumine mystérieusement, à travers un registre très riche de textures orchestrales et laisse advenir groupes instrumentaux et solistes, progressant du flash brutal de l'éclair au climax intense du tonnerre. On y retrouve des atmosphères qui évoquent Messiaen (dédicataire de l'œuvre) et par instants le Varèse de « Déserts». A mind of winter est tirée d'un poême de Wallade Stevens « The snow man » et dédiée au soprano. Benjamin parvient par la fusion entre harmonie et timbre, cet aspect de glaciation, la voix se perdant peu à peu dans le transparent orchestral. Moment suspendu où le son lui-même progressivement se dérobe : « … Nothing that is ot there and the nothing that is ». At first light est né d'une vision du tableau de Turner Northam Castle, sunrise. Célébration de la couleur par la multiplication des timbres servie par une verve polyphonique toujours renouvelée. Tout autre est le bref Panorama qui laisse entendre la sublimation du son de flûte, par le biais d'un programme informatique, en mixture. Déroutant mélange hélicoïdal et percussif. On retrouve les flûtes dans la longue péroraison d'Antara, pièce comprenant un bloc de percussions, quelques cuivres, des claviers « traités », et un environnement de cordes. Benjamin crée une sorte de continuum sonore assez proche de la conversation (pépiement des flûtes) improvisée « à bâtons rompus ». (Jérôme Angouillant)
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