 L’œuvre de Friedrich Gernsheim connait depuis quelques années un regain d’attention : redécouverte salutaire après la censure et le silence, du fait de la judéité du compositeur, imposés par le régime nazi. Comprenant 92 opus, son œuvre, essentiellement instrumentale (symphonies, concertos, musiques de chambre), a également illustré la tradition allemande des œuvres chorales et du lied. Anna Gann et Naoko Christ-Kato, très engagées dans leur projet de réévaluation, nous offrent ici un choix de lieder, composés entre 1869 et 1907, un « trésor caché », selon les deux interprètes, du romantisme tardif allemand. Puisant dans la poésie germanique (Mörike, Heine, Lenau, Ruckert …) mais aussi dans des traditions folkloriques balte, roumaine et azérie, Gernsheim nous prodigue un chant panthéiste, universel, célébrant la Nature et exaltant d’une même foi ardente, sous les figures symboliques du romantisme allemand, amour profane et amour divin. L’ombre inspiratrice de Schumann et, sans doute, la proximité amicale et esthétique de Brahms confèrent à son écriture pianistique, de grande maîtrise, la densité et la beauté mélodique propre à magnifier, dans l’ineffable ou le véhément (Anna Gann y excelle), son propos métaphysique et humaniste. On regrette que seuls les opus 14 et 74 soient présentés intégralement et l’absence, dans le livret, de traductions françaises des poèmes (accessibles en anglais sur le site de Genuin Classics !). A (re)découvrir. (Emilio Brentani)

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