 Cet « objet musical » d'une sophistication lacanienne joue sur le désir, la perte, le manque. C'est un hommage indirect à Léonard de Vinci à travers un second hommage rendu à sa fameuse fresque perdue (couverture du CD). On possède des copies d'esquisses qui auraient été exécutées par le maître. La fresque, supposée avoir été dissimulée derrière une œuvre de Vasari dans un palais florentin, alimente fantasmes, suppositions, polémiques, et projets faramineux visant à restituer ce qu'il en resterait. Autre élément de ce puzzle en abyme : elle se rapporte à la bataille d'Anghiari, antérieure de 60 ans, que les Florentins remportèrent sur les Milanais. Ce CD s'articule donc autour du vide : absence totale de De Vinci comme musicien, qui renvoie à son tour à l'absence de la fresque. Vide comblé par un substitut : une courte pièce contemporaine à la Berio, écrite pour ce Cd, pompeusement titrée de « Du visible à l'invisible » reproduit symboliquement l'absence qu'elle remplit. Autour, un collage de pièces vocales des XVe et XVIe siècles auxquelles la bataille d'Anghiari fournit une unité factice, un prétexte. Comme le fait Dufay avec son « Donnez l'assaut à la forteresse » la guerre peut être évidemment celle de l'amour. Canzone sopra la battaglia, Battaglia a 8, Mettetevi in battaglia, Te deum : une multiplicité de morceaux et de genres liés à la musique « guerrière » compose cette construction labyrinthique. On aurait pu faire simple : musiques guerrières des XV et XVIe siècles. Mais l’interprétation est de toute façon à l'avenant : impeccable, mais comme froide et sans âme, abstraite : c'est chic, très chic, ça fait papier glacé ! (Bertrand Abraham)  The relationship between music and battle bears witness to the ethical dimension of music and its impact on the human. But warfare is also a metaphor and sign of the battles to which the existence is voted: amorous disputes, moral duels ... In a word: the dialectic between shadow and light that incessantly beats life. Shadow and light that has marked, according to the contemporary chronicle, also one of the symbolic events of the Italian Renaissance: the Battle of Anghiari. It is said, in fact, that the Milanese troops remained as blinded by an invasive and omnipresent light that prevented them from seeing the enemy and winning it. In this musical journey, ideally anchored in this paradigmatic event, the battle is interpreted both in its factual and metaphorical dimension: from the love battles (Dufay, Berchem, Conforti) to the battles tout court (Banchieri, Werrecore); from the theme of the return (Dowland) to the autobiographical story (Hume, composer and at the same time captain); to the end with a gratitude for the victory (De Victoria) which, a$ er all, brings everyone together: winners and losers, light and shadow, now regained in peace.

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