 La poésie délicate et si personnelle d’Emily Dickinson méritait bien cette rencontre avec la musique que Francesco Carta, après combien d’autres, lui dédia en 2018 et proposée ici en première mondiale. Le compositeur, qui ne cache pas certaine référence à Aaron Copland, ne propose rien d’affecté, d’apprêté ; il ne se sert pas de l’œuvre de la poétesse comme d’un « pré-texte » mais s’efforce au contraire de la servir pieusement, c’est-à-dire d’en explorer et d’en traduire toutes les résonnances. Le résultat s’avère très concluant, atteignant, avec une efficacité immédiate, un lyrisme véritable, une expressivité dramatique réelle qu’on serait tenté de qualifier de « cantabile semplice » en écho à l’intemporel dernier mouvement de la 3e symphonie de Gorecki. Mélancolie et recueillement caractérisent donc cette couronne de douze touchants paysages intérieurs, couronne d’épines autant que de fleurs fraichement coupées. Les ondoiements de l’ensemble de cordes soutiennent le propos avec souplesse, comme s’il s’agissait d’accompagner le sommeil d’une nouvelle Ophélie, tandis que la voix de Naoka Ohbayashi en traduit avec naturel les secrètes aspirations. Un excellent livret (italien et anglais) détaille et éclaire profitablement la composition de chaque pièce de ce cycle que l’avenir devrait consacrer. (Alain Monnier)  It is ironic, but also profoundly right, that the words which came silently out of the pen of Emily Dickinson (1830-1886) nowadays are heard frequently in concert halls, and elsewhere too. In 1992, Carlton Lowenberg, in his book Musicians wrestle everywhere: Emily Dickinson and Music, listed no less than 1,615 compositions based on her texts, by 276 different composers, from 1896 onwards; according to the musicologist Enrico Maria Polimanti, by 2007 this number had almost doubled. In 2018, Francesco Carta’s Dodici romanze su poesie di Emily Dickinson, for soprano and string orchestra, show that the growth of this repertoire is still far from stopping. The selection of poems, however, is new, and intercepts some of the most inspired moments of metaphysical disquiet in Dickinson’s whole work. The Nuova Orchestra Pedrollo di Vicenza directed by Gabriele dal Santo accompanies the soprano Naoka Ohbayashi in the performing of this very particular vision of the poet’s texts by Francesco Carta.

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