 Si l’Opéra de Vienne eut bien une diva, et une diva dont la voix vous autoriserait à la faire assoir sur vos genoux pour quelques agaceries, ce fut bien elle. Si Edita Gruberova voulu à toute fin être les trois reines de Donizetti, ce ne fut pas, par un orgueil insensé, pour se mesurer à Gencer, à Callas, à Sutherland, mais parce que son instrument l’y autorisait et l’y autorisa même très tard, la voix étant restée intègre au-delà de ce que peut raisonnablement espérer toute soprano dotée d’une colorature, et quelle ! Orfeo, présentant un portrait complet (Gruberova y aurait-elle choisi ?) documente les trois rôles. Mais face à Manon, cette Manon enjôleuse de la « petite table » jusque dans la tristesse, cette Manon quasi Messaline au Cours la Reine, les Reines Tudor, déjà sans diadèmes, n’existent plus. Ah Gruberova c’est cela, la sensualité absolue, la vocalise gourmande qui vous retourne une salle et la mange en se léchant les babines. Profitons bien de la jeunesse ! Jaime Arraiza est prévenu, mais fasciné par cette sphinge, son Des Grieux s’y consumera. Cette Manon devrait être mériterait d’être publiée in extenso, aussi pour l’orchestre si sensible qu’y déploie Istvan Fischer. Mais herborisant dans tout cela, de Norina à Lucia, de Violetta à Norma même !, c’est la Mozartienne qui m’enthousiasme, Gunia, ceDonna Anna face au Don Ottavio de Jerry Hadley, cette Konstanze stellaire pour Böhm. Et puis, gardez pour le plaisir son Adèle (le fouet n’est pas loin), et pour l’Empirée cette Zerbinette qui, dans la vraie tessiture et pour tout l’air, se promène en funambule sur les vocalises, sous l’œil incrédule de Richard Strauss qui la regarde de son paradis. (Jean-Charles Hoffelé)
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