 Quel programme! Karim Said a rassemblé des œuvres de Berg, Bartok, Janacek, Webern, Enesco et Schœnberg pour saisir l’esprit musical de Vienne durant les dix premières années du XXe Siècle – sinon les Trois Rondos sur des thèmes slovaques de Bartok écrits en 1916 et 1927. La capitale de l’Empire dont les Trois Pièces op. 11 de Schœnberg déconstruisent définitivement le décor, mais aussi ses marges, avec la Seconde Suite d’Enesco, chef-d’œuvre méconnu, où le futur auteur d’Œdipe mêle les formes issues des clavecinistes français – successivement Toccata, Sarabande, Pavane et Bourrée – à un langage harmonique contaminé par le Debussysme et où pointent ça et là quelques thèmes assez lointainement roumains. Il faut mettre dans cette partition dont la Bourrée est un entre-cloches virtuose, un clavier léger et sonore : lecture alerte, qui pourrait sonner parfois avec plus de profondeur. Mais Karim Said joue tout dans une fièvre assez contagieuse : la Sonate 1.X.1905 de Janacek, tendue à rompre, illustre cette manière qui emporte également la Sonate de Berg dont le lyrisme splénétique semble évacuer au profit d’une inquiétude constante. Le rare Mouvement de Sonate – un rondo – de Webern intrigue par son faux ton de comptine qui se cache derrière une écriture en canon, alors que l’Opus 11 de Schœnberg est simplement lu à la lettre, mais avec une imagination dans les registres, et une main gauche fulgurante qui rappelle Pollini. Pour un premier disque, c’est bien vu, autant par le propos d’un ensemble subtilement composé que par l’imagination d’un jeu caméléon qui anime avec une pointe d’humour les Rondos de Bartok (Discophilia, Artalinna.com). (Jean-Charles Hoffelé)  Le jeune pianiste jordanien Karim Said interprète ici un passionnant programme de musique pour piano du début du XXème siècle, dernières années de l'empire austro-hongrois mais également début de la chute du système harmonique tonal. On découvre ainsi un répertoire rare (Enesco, Webern), associé à d'autres pages plus connues (Berg, Bartok et Janacek). Dès le début de la sonate de Berg, d'une rare séduction sonore, on comprend que l'on aura affaire à une conception très romantique : le piano enchanteur de Karim Said, à la sonorité très pleine, tire en effet ces œuvres vers le romantisme tardif plutôt qu'il n'en accentue le caractère moderniste. Il rend ainsi ce répertoire très accessible, même pour les œuvres de compositeurs réputés austères (Schœnberg, Webern). Il y a ainsi beaucoup d'humour dans la première pièce de Bartok, où l'on se prend à évoquer Debussy et Satie. Ce très beau récital culmine dans l'opus 10 de Georges Enesco, suite de 4 danses écrites « dans l'ancien style » qui commence et se termine par une époustouflante volée de cloches, souvenir des églises de sa Roumanie natale. (Denis Jarrin)

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