 Clara Haskil dispensait une des plus belles sonorités de piano, une de celles qui faisait oublier la nature percussive de l’instrument : une ondiste, qui, par une maitrise absolue du jeu de pédale, pouvait colorer à l’infini, jusque dans le plus secret des pianissimos. Une pianiste pour l’idéal Debussyste, elle le joua fort peu hélas, une Etude par ci par la. Non, elle s’en tint au répertoire de sa jeunesse, les classiques, et les viennois d’abord, comme l’illustre ce récital salzbourgeois qui aura connu bien des éditions pirates. Le voici enfin édité d’après les bandes originales, Sonate en ré majeur joueuse et tendre, en doigts de fée (c’est Mozart qui sourit avec un brin d’espièglerie dans l’Allegretto), 18e de Beethoven, une de ses favorites, où sa main gauche agrandit le paysage, ouvrant le son du meuble, quel caractère, quelle présence, quelle audace, qui rappellent qu’elle fut au même degré que Kempff ou Serkin une Beethovénienne majeure de son temps. Triade parfaite, absolument viennoise, qui se clôt par une stupéfiante dernière Sonate de Schubert. Rien n’y traine, l’estompe du premier trille fait un peu craindre une fatigue que le second efface illico, portant la mélodie magique dite comme à lèvres fermées, merveille qui va entrainer un clavier féérique. Sa 960, comme celle de Schnabel, fuit l’excès, et même toute idée du tragique, elle irradie, dans le sombre comme dans la lumière. La barcarolle de l’Andante chante dans une nuance mendelssohnienne, prélude aux deux mouvements vifs irrésistibles de fantaisie, d’élégance, d’un jeu qui fuse. Quelle liberté, quelle douceur, quelle fraicheur. Inoubliable pour qui l’aura entendue. (Discophilia - Artalinna.com) (Jean-Charles Hoffelé)

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