Bruckner Symphonie N 8 Van Zweden - Cc72549 - Sacd - by Challenge Classics

Après le succès public de sa Septième symphonie, malgré les critiques insistantes de Hanslick, on connaît la déception de Bruckner lorsque Hermann Levi lui retourne par l’intermédiaire d’un élève, le manuscrit de la Huitième. Se sentant trahi, il élague de façon radicale son orchestration (coda de l’allegro supprimée, disparition aussi de l’unisson conclusif du final). Le résultat est une texture orchestrale plus fine et plus équilibrée, qui fait appel à un pupitre de cuivres important. Ancien premier violon du Concertgebouw et devenu par la suite chef à part entière sur les conseils de Bernstein, Jaap van Sweden a appris à diriger auprès d’Harnoncourt et se réclame de Giulini et de Jochum. Après avoir enregistré la moitié des symphonies de Bruckner pour le label Exton, il nous revient avec la Huitième dans la version révisée (Nowak 1890). Sa vision est d’emblée à la hauteur du grandiose édifice de cette symphonie dont les mouvements s’agencent comme une arche, aux travers de motifs (chorals), de modulations incessantes et de l’usage du chromatisme et du contrepoint. L’orchestre de la radio des Pays-Bas est réellement somptueux, la direction du chef lui donne un équilibre qui fait que chaque pupitre est à sa place, les nuances sont exprimées au millimètre. Dès l’Allegro moderato initial, le chef accuse la progression dramatique, sa direction est massive, inéluctable. La pâte de l’orchestre laisse à peine fuser quelques rayons de lumière et des transparences (…où sont passées les trois harpes ?). Les fréquents conflits de tonalité du Scherzo sont rendus avec l’agitation nécessaire. L’Adagio, sublime déploration ou confession mystique, déploie un beau lyrisme mais s’attarde un peu au risque d’en déliter l’architecture. 27 minutes de péroraison !.. jusqu’à la coda finale, délicatement contemplative. Le Finale magnifique de bout en bout navigue entre un souffle gigantesque et une retenue jusqu’à l’expiration, laissant l’orchestre exprimer toute sa profondeur (le tutti à l’unisson de la fin). Flux et matière sonore que révèle de façon spectaculaire la prise de son SACD. (Jérôme Angouillant)