 De 1854 à 1893, les œuvres de Brahms enregistrées ici par Alessandro Mercando suivent le fil des inspirations les plus intimes et secrètes du compositeur, loin des exubérances quasi-symphoniques des trois Sonates op. 1, 2, et 5 de sa jeunesse, ou monumentales des Variations et fugue sur un thème de Händel op. 24, et virtuoses des deux cahiers de Variations sur un thème de Paganini op. 35. Il y a donc une logique certaine à ce programme qui nous conduit des Ballades, inspirées par le côté sombre des rêveries germaniques, à l’intériorité à peine bouleversée par un intermezzo gracieux des quatre pièces de l’ultime opus 119 pour piano. Entre les deux, l’auditeur passera par l’hommage bouleversant à Schumann que Brahms développe à partir de la 4e Pièce — Ziemlich langsam — des Bunte Blätter op. 99, par le rappel de l’influence du modèle compositionnel des formes classiques avec les deux Sarabandes de 1855, extraites du catalogue des œuvres sans opus 5, ainsi que par la trilogie des Intermezzi si nostalgiques de l’op. 117. Le jeu probe de l’interprète — mais ici sans manifestation perceptible d’aucune qualité pianistique et musicale très personnelle — est desservi par une prise de son rêche et comme enfermée dans un espace confiné, qui ne met guère en valeur son sens des nuances : Urania Records nous avait habitué à mieux. On retiendra donc l’intérêt d’un programme intelligemment conçu et l’on attendra la publication d’un autre enregistrement de cet artiste pour se faire une idée plus exacte de son talent musical et de sa virtuosité au sens où cette dernière encapsule structurellement l’expression d’une digitalité extrême et d’un sens poétique transcendant. (Jacques-Philippe Saint-Gerand) This CD is dedicated to the most personal vein of Brahms, to that musical intimacy that dwells in him from the works of youth to the works of extreme old age. A melancholy tenderness deeply rooted in his soul on which (and, at times, against which) the Hamburg composer built all his rigorous creative teaching. On the one hand, one of the many manifestations of romanticism, on the other the classical Beethoven heritage and the great tradition of counterpoint (Bach, but also masters more distant in time). The realization of the great forms (symphonies, concerts, sonatas, variations, the major chamber works, the Requiem) often takes place in Brahms through long and troubled gestations, studded with trials, errors, second thoughts: his masterpieces of larger dimensions reveal, among their folds, an incessant eff ort to perfect. Despite the chronological distance of the proposed works, a red thread connects them: the taste for a lean writing style that evokes solemn and tragic atmospheres; the deep lyrical sweetness, the sense of a pressing and inexorable destiny, a certain irony and almost unsettling playfulness, but, above all, a calm and resigned melancholy that reveals his deepest voice to us.
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