Un disque dans la série Concept de Wergo, le principe étant d’alterner une par une des pièces des deux cycles afin de créer un processus en spirale permettant d’y découvrir les similitudes et les contrastes, de mettre en lumière les connections qui existent entre les deux compositeurs.  Un projet musical extraordinaire, stimulant, et déroutant. Le pianiste Enrico Belli, très actif dans le domaine de la musique contemporaine, a l’idée d’alterner un Prélude de Debussy (Livre I, 1909-1910) avec chacune des pièces du recueil Makrokosmos I de George Crumb (Douze Fantaisies d’après le Zodiaque, pour piano amplifié, 1972). Naissent des correspondances étonnantes entre deux mondes apparemment si éloignés. Un même dépouillement expressif (Night-spell I, Des pas sur la neige, Dream Images au centre de laquelle Crumb exploite également un Nocturne de Chopin), une même attention aux registres de l’instrument (Ce qu’a vu le vent d’Ouest, Musique of Shadows pour harpe éolienne – deux pièces de caractère pourtant distinct, l’une volcanique, l’autre plus discrète), mêmes accents rythmiques fortement dessinés (La Sérénade interrompue, Spring-Fire, Minstrels, Spiral Galaxy), etc… / L’interprétation de Belli des Préludes de Debussy est de toute évidence alimentée (enrichie) par sa fréquentation de l’œuvre de Crumb, sinon comment expliquer cette lenteur extatique, ces sonorités gorgées d’espace et de lumière. Et quelle qualité de toucher toujours, à la fois plein et rond – The Magic Circle of Infinity de Crumb, ainsi, est sensationnel. Un album étrange, qui obsède d’une certaine manière par son étrangeté : les choix interprétatifs du pianiste Italien dans les Préludes (par exemple La Cathédrale engloutie) ne trouvent réellement leur pleine justification que par leur incorporation dans l’œuvre du compositeur américain, par ailleurs très impressionné par l’art de Belli (cf. le site du pianiste italien), et, de toutes ces confrontations musicales naissent l’idée peut-être que la « modernité » est une notion totalement illusoire. Album fortement recommandé, d’autant que le Steinway joué par Belli est splendide, la prise de son somptueuse. (Pierre-Yves Lascar)

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