 Voici le neuvième et dernier disque que la pianiste Angela Hewitt consacre, sous le label anglais Hyperion, à l’intégrale des sonates de Beethoven, en finissant par deux oeuvres emblématiques. Disons-le tout de suite : ses interprétations sont des merveilles, et vous pouvez vous précipiter sur ce disque, qui méritera d’être écouté et réécouté ! (Ajoutons à cela une bonne prise de son et un livret passionnant, avec version française, écrit par l’interprète.) Comparé à de nombreuses interprétations « classiques » (Kempff, Brendel, Pollini), le tempo est sensiblement plus lent, ce qui ne nuit ni à la puissance ni à l’expressivité du jeu. Au contraire, la pianiste canadienne nous fait entrer dans le coeur de Beethoven ; chaque note est pensée (et pas seulement le fameux « la », dièse ou non), chaque tempo est soigneusement réfléchi. J’ai tout bonnement eu l’impression de redécouvrir ces deux sonates, d’y trouver une richesse nouvelle et insoupçonnée — sauf peut-être, dans un style différent, chez Mitsuko Uchida. Servie par une technique époustouflante (la fugue de la sonate Hammerklavier), la musicalité de cette concertiste célébrée se déploie de manière particulièrement émouvante. Et que dire quand elle nous apprend qu’elle n’a réellement commencé à étudier l’opus 111 qu’arrivée à l’âge de soixante ans ? Le long mouvement lent de cette sonate op. 111, qui se révèle ici pour ce qu’il est, à savoir une des plus extraordinaires pages de Beethoven, est sublimé dans cette interprétation très personnelle, qui fait oublier les difficultés techniques et magnifie les passages où la simplicité du chant atteint au génie (tout comme dans le quatuor op. 132). La coda dont le temps se suspend magiquement, et notamment les dernières minutes de cette dernière sonate, d’une pureté solaire, rayonnent sous les doigts d’Angela Hewitt d’une joie céleste. (Walter Appel)

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