 Dans l’histoire de la musique européenne, il y a eu l’avant Beethoven, et l’après Beethoven. Si la révolution symphonique est éclatante, celle du quatuor à cordes est au moins aussi cruciale. Prenant leurs premières lettres de noblesse chez Haydn, qui fit du quatuor à cordes une musique savante à écouter en petite société, c’est avec Beethoven que le quatuor a pris un tournant décisif — et son influence s’en fait sentir jusqu’à nos jours, à travers Dvorák, Janácek, Chostakovitch ou Glass. Parmi les seize quatuors que Beethoven a composés tout au long de sa vie, les six derniers en particulier représentent un sommet absolu de la musique : intimes, savants, ils concentrent toutes les émotions d’une vie d’homme (le plus beau moment étant certainement le très long mouvement central du 15e quatuor, une des plus belles pages jamais créées par un artiste). Le Narratio Quartet en offre une lecture analytique et soigneusement étudiée. Se référant aux habitudes de jeu du XIXe siècle, ils s’accordent une grande liberté sur le tempo, afin que l’on puisse écouter ou découvrir ces derniers quatuors tels qu’ils ont dû être présentés au public par Schuppanzigh. De même, l’usage du vibrato est limité à certains passages : la musique y gagne en transparence, les contrastes se font plus nets, tension et résolution sont clairement ressentis. Notons enfin, avant de conclure, que le 13e quatuor y est présenté avec, en plus de la Grande Fugue op. 133, le final alternatif composé un an plus tard pour la remplacer. En résumé : un magnifique ensemble pour découvrir ou redécouvrir ces chefs d’oeuvre. (Walter Appel)  My colleagues in the Narratio Quartet and I have been immersed in all of Beethoven’s string quartets for over fifteen years now. We experience time and again how Beethoven explored and then overcame the limits of the Classical style and the instrumental challenges that were prevalent at the start of the nineteenth century along new pathways. Opus 95 is a great example of exactly this. Beethoven himself stated in a letter to Sir George Smart, at the time an important musician in England, ”The Quartet is written for a small circle of connoisseurs and is never to be performed in public.” Each of the five late quartets, from Opus 127 onwards, explores new forms, modulating to remotely distant keys, presenting hitherto unprecedented melodic arches and containing what were, at the time, unusually detailed dynamic instructions; different ways in which Beethoven was tearing himself away from the familiar style of the day. Beethoven composed these five quartets in a remarkably brief period, between 1824 and 1826. (Viola de Hoog)

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