Ludwig van Beethoven (1770-1827)
Quatuor à cordes en do dièse mineur, op. 131
Quatuor à cordes en do majeur, op. 59 n° 3

Suske-Quartett

Quand on soulève un rideau de fer trop longtemps abattu sur ce qu'on a de plus précieux en stock, rayon fines épices musicales, on est d'autant plus ébloui par quelques soleils que d'aucuns ne soupçonnaient pas toujours. De quoi s'étonner que notre fine fleur critique dédaigne encore assez souvent ces trésors d'ex Allemagne de l'Est que sont des pianistes tels Peter Rösel ou Annerose Schmidt, ou encore comme ici cet extraordinaire quatuor Suske. Prenant le nom de son premier violon, il a été formé en 1965 par des membres de la Staatskapelle de Berlin, et plus tard, le changement de son leader lui fit prendre un autre nom, le Berliner Quartett. Nous connaissions depuis longtemps au disque sa formidable intégrale Beethoven (à placer au sommet avec seulement quatre ou cinq autres en écoute comparative...), mais l'année anniversaire du compositeur nous en offre cet extrait à prix économique, opposant judicieusement la fougue du dernier des trois Razumovsky à la haute inspiration quasi métaphysique de l'opus 131. Et ces interprètes ont tout, l'assurance et l'exactitude, l'esprit et la finesse, l'homogénéité et l'imagination sans esbrouffe, pour nous rendre les surprises et contrastes du quatuor ici médian : ambiguïté harmonique d'un premier mouvement en hommage évident au quatuor dit des Dissonances de Mozart, ostinato hypnotique du second, finale combinant fugue et forme sonate (là encore, la symphonie Jupiter de Mozart !) dans une verve ponctuée d'indications métronomiques à la limite du jouable. Et le quatuor plus tardif est idéalement construit jusqu'à ne plus lier qu'en un seul ses sept mouvements comme improvisés sur fond de récitatifs ou autres cadences libres, dans une économie de moyens qui apparaît d'autant plus essentielle pour assurer un sentiment de continuité. Vraiment, si vous ne connaissiez pas ces versions, précipitez-vous ! (Gilles-Daniel Percet)