 Historique, la soirée l’est à plus d’un titre, accessoirement pour l’audience abondante en personnalités politiques - cent-cinquantième anniversaire de la mort de Beethoven oblige -d’abord pour le cast, enfin, et plus encore au final, pour Böhm lui-même. Autant que les "Nozze", "Cosi" ou la "Frau" ou "Ariadne", pour n’en prendre que quatre, "Fidelio" fut son opéra, peut-être son opéra absolu. A Munich, ce 30 janvier 1978, il étrennait une distribution plus risquée qu’il n’y parait sur le papier. Habitué au dramatisme de Martha Mödl ou aux orgues de Birgit Nilsson, voir à l’ardeur de la jeune Gwyneth Jones, la Leonore d’Hildegard Behrens n’avait ni la même présence, ni la même puissance. Son soprano aqueux ne demandait pourtant qu’à rayonner, ange salvateur dont il entoure l’Abscheulicher d’infinies prudences : surtout ne pas couvrir l’eau émouvante de ce pur diamant, mais le porter oui. Et c’est, à sa façon, merveille, même si le souffle, le feu de ma chère Sena me manque ici. A l’autre bout, James King n’est plus dans sa voix de gloire, mais pour la prison Böhm le borde d’ombres, génialement il faut bien dire, sachant ne pouvoir en espérer ni le déchirement de Patzak, ni l’ardeur inextinguible, simplement incroyable, de Dermota. Des bémols, oui, mais pour une soirée de génie où caracole la Marzelline de Popp, où rugit le Pizarro de McIntyre (moins terrible que Theo Adam pour le disque, imparable avec Jones et la Staaskapelle, ma version), ou Kurt Moll déploie un chant presque trop admirable pour Rocco. Mais Böhm, si chez lui, si amoureux de l’œuvre, entendre cela, comment ne pas s’émerveiller. (Discophilia - Artalinna.com) (Jean-Charles Hoffelé)

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