On se souvient de Philippe Jaroussky et de son disque «Opium» qui visitait déjà la mélodie française, dont certaines élaborées à partir de poèmes telle « Offrande » de Reynaldo Hahn fondée sur le célèbre poème « Green » de Verlaine. Désormais, nous avons ce nouveau disque de Marc Boucher consacré à Baudelaire au titre d’ores et déjà poétique par la chantante quasi-homonymie des noms Fauré et Ferré. C’est d’ailleurs là l’une des grandes originalités de ce disque enregistré à la fois pour le cent cinquantième anniversaire des Fleurs du Mal, et pour les cinquante ans des chansons de Léo Ferré composées sur ce même recueil de poèmes. Double hommage donc, qui souligne ce que disait déjà Philippe Jaroussky : la frontière entre la mélodie et la chanson n’est pas toujours aussi figée qu’on pourrait le croire.

Marc Boucher et Olivier Godin le démontrent avec brio : le premier, par sa diction précise, malgré quelques liaisons oubliées, qui prête attention aux diérèses, et ce, même avec les « r » roulés, les nuances variées au service du vers, son timbre chaud, et des écarts entre aigus et graves bien maîtrisés , le second, par le déploiement d’une énergie semblable, à la fois tout en retenue et en délivrance qui sied si bien à ces mélodies, et ses très beaux arrangements effectués pour les chansons de Ferré. Son travail est effectivement si précis qu’il est parfois difficile de distinguer ce qui relève de la mélodie et ce qui relève de la chanson.

Le baryton et le pianiste nous invitent donc à voyager dans les méandres infinis de la rencontre entre la poésie, la mélodie et la chanson : le choix de présenter les mélodies de différents compositeurs pour un même poème, dévoile la force musicale inextinguible de ces œuvres comme avec « Chant d’automne » qui a inspiré Gabriel Fauré et Guy Ropartz, ou encore « Recueillement » mis en musique par Alphons Diepenbrock et Jean Dora. Ce n’est pas de l’opium, mais on est quand même enivré.