 Tiens, Andreas Bach fait le distinguo entre les pièces strictement pédagogiques et les inventions poétiques que Béla Bartók mêlent au long de Mikrokosmos, ce que ne font pas couramment les interprètes de l’intégrale des six livres. Ce qui relève du simple exercice sera très littéralement exécuté, et paraitra un rien raide, c’est voulu, pour mieux faire chanter et timbrer par contraste les pièces tendrement descriptives ou évocatrices qui sont autant de fenêtres ouvertes pour échapper au pensum didactique, et qu’ Andreas Bach joue avec tendresse, parfois une pointe d’amusement. A mesure que les années passent - Bartók a commencé Mikrokosmos dans les années 20, et publié l’ensemble en 1940 - le ton change et l’on n’est plus certain que le caractère pédagogique soit l’objet principal, la musique envahit tout et l’essence magyar domine l’harmonie et les rythmes. Qu’Andreas Bach y soit moins sensible que Solchany, Foldes, Ranki ou Kocsis n’est pas rédhibitoire, il fait entendre ces musiques sous un autre angle, ce qui s’avère souvent passionnant. A noter qu’une mezzo double ici la ligne de chant dans quatre pièces, comme le suggère Bartók sur la partition, je crois bien que cela n’avait pas été fait au disque jusqu’ici. Autre bonne idée, faire précéder Mikrokosmos des quarante-huit pièces de la Méthode de piano publiée en 1913, éternelle oubliée des intégrales, mais pas de celle-ci qui se complétera en 2023 d’un ultime coffret consacré aux œuvre de jeunesses avec quelques premières discographiques. (Discophilia - Artalinna.com) (Jean-Charles Hoffelé) En 1963 Sándor György (1912-2005) enregistrait l’intégrale de l’œuvre pour piano de Bartók, dont il avait été l’élève et l’ami ; Bartók était alors un moderniste. En 1995, il récidivait pour Sony ; mais, indépendamment de Földes Andor ou de Frankl Péter, Bartók était devenu dans l’intervalle un classique. Kocsis Zoltan (1952-2016) y était pour beaucoup. Depuis 2008, le pianiste allemand Andreas Bach, sans tics ni tocs, construit patiemment une intégrale qui égale les meilleures par la plénitude du son et une technique parfaite qui ne sacrifie pas le lyrisme à la virtuosité. C’est aujourd’hui le volume 5 qui retient notre attention et propose à l’auditeur un redoutable défi. Il renferme en effet l’ensemble des œuvres pédagogiques et didactiques du compositeur qui pourraient prêter à une certaine austérité. Les trois Livres en six Cahiers de Mikrokosmos s’y taillent naturellement la part du lion. Mais l’on y trouvera également la série des petites pièces de la Méthode de piano conjointement publiée en 1913 avec Reschofsky Sándor. Aiguillonné par les besoins de l’éducation musicale et pianistique de son fils Péter, Bartók a développé dans toutes ces pièces un art de la petite forme permettant de travailler les doigtés, les rythmes, les sonorités et l’inspiration folklorique comme il est perceptible dans les n° 68 (Hungarian Dance), 127 (New Hungarian Dance), 53 (In TransylvanianSstyle), 58 (In Oriental Style), 90 (In Russian Style) et surtout dans les Dances in Bulgarian Rhythm (n° 148-153), par lesquelles Bartók concluait souvent brillamment ses concerts. Une particularité de cet enregistrement est de fournir, grâce à la mezzo-soprano Aliya Iskhakova, la partie vocale, des n° 65 (Dialogue), 74b (Allegro moderato), 95b (Song of the Fox) et 127 (New Hungarian Folksong) car Mikrokosmos ne néglige pas l’art du chant. L’enregistrement d’Andreas Bach, parfaitement capté, restitue à merveille la richesse de cet ensemble qui, par son intelligence et sa musicalité, va bien au-delà de ses seules vertus pédagogiques. Admirable. (Jacques-Philippe Saint-Gerand)
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