Bach Suites Françaises BWV 812-817 Perkins - RES10163 - Resonus - Classique - Nos labels

Elu confident des mouvements de l'âme par Carl Philipp Emanuel et pour cette raison fréquemment sollicité par ses messagers les plus ardents à en éterniser l'inspiration jusque dans ses élans les plus fugitifs, le clavicorde accuse une présence marginale dans la discographie de Jean-Sébastien dont il était pourtant également l'instrument favori. Détrônant par son éventail de nuances plus ouvert le clavecin et le pianoforte aux caractéristiques alors en devenir, le clavicorde était pour le plus pédagogue des compositeurs le parfait instrument d'étude. Si le clavecin permet de se représenter aisément cette vivacité du jeu de Bach au clavier constatée par ses contemporains, le clavicorde cerne mieux son idéal de précision et de clarté dans l'exécution. Articulant la réponse immédiate de la frappe sans mécanisme intermédiaire et l'interrogation expressive plus ou moins prolongée du contact avec les cordes, avec ou sans vibrato, la dynamique du clavicorde complexifie les phrasés. Ses timbres accentuent l'indépendance des voix dont les cheminements aux accentuations et rythmes si caractérisés trahissent alors de façon évidente l'influence des maîtres français. Les subtilités de respiration du style luthé constellent de tremblements, de pincés, de notes inégales, de retards ces architectures dont la seule richesse contrapuntique légitime souvent l'uniformisation des carrures avec pour résultat un Bach abstrait et non sensible comme l'entend Julian Perkins. Avec moins d'incertitudes qu'à la lecture du pari de Pascal, l'on gagne à troquer l'ivresse dionysiaque entraînée par les sonorités brillantes et flatteuses du clavecin contre une perception aiguisée du discours dans l'éloquence accrue du contrepoint dont la multiplicité des dimensions résonne pleinement au clavicorde. Sélectionnées par leur très intègre interprète dont le texte de présentation évoque non sans fondements filiations et réminiscences, une partita de Froberger et une suite de Telemann préludent aux première et quatrième suites. Si l'agrément de leur présence ne se limite pas à la découverte de leurs parentés tonales, stylistiques et spirituelles, cette redécouverte des Suites Françaises se situe elle bien au delà de l'agrément. (Pascal Edeline)