 Ce nouveau disque d'œuvres chorales du Vokalensemble de Stuttgart et de son chef Marcus Creed présente, sous la bannière étoilée, une compilation d'œuvres de six compositeurs américains contemporains. Les quatre motets d'Aaron Copland sont de courtes pièces de jeunesse écrites à Paris dans la classe de Nadia Boulanger. Basées sur des mélodies simples et influencées par Moussorgsky et preuve d'un beau savoir faire, elles ont été reniées plus tard par le compositeur parce qu'impersonnelles. Le « Proverb » de steve reich, cite (bigre !) un aphorisme de Wittgenstein: « How small a thought it takes to fill a whole life ». Cette page dédicacée à Paul Hillier, démarre sur une imitation de Pérotin par une basse austère puis embraye avec synthétiseur et vibraphone dans le plus pur style répétitif pour aboutir à une pièce longuette et improbable (cocktail de Glass et de Pärt mixée par un DJ dépressif) dont on ne comprend guère la cohésion et la pertinence. Le « Five », œuvre émouvante et tardive de john Cage, nous entraine en cinq minutes exactement de voix blanches, posées de façon indéterminées et doucement réverbérées dans un espace de silence ; à la Rothko Chapel de Morton Feldman plat de résistance du programme, composée en 1971 en résonance avec l'architecture dédiée au peintre d'origine russe Mark Rothko, créateur de vastes nappes colorées qui se dissolvent dans leur support et leur environnement. Elle se développe en plusieurs phases où voix et instruments interviennent scrupuleusement à intervalles irréguliers, introduction déclamative à l'alto, discret souffle du chœur et tintements de cloches bouddhistes, intermezzo du soprano et final d'un lyrisme mesuré ; le tout en 26 minutes provocant un effet dramatique aussi intense que peu spectaculaire, quasi identique à la vision scrutatoire des tableaux du peintre. Pièce méditative ou le silence joue un rôle quasi identique au son, où le vide éclaire le plein, et l'ombre la lumière. Problématique chères à Rothko, à Tanizaki, à l'architecture du lieu et aux principes de composition de Feldman. La Missa Brevis de Léonard Bernstein, sa seule œuvre pour chœur à cappella qui date des dernières années de sa vie, est en fait un arrangement d'une œuvre de jeunesse « The lark » curieusement consacrée à Jeanne d'Arc Chaque mouvement est un concentré du style de Bernstein, le très dansant « Dona nobis pacem » évoquant même West Side Story. « A stopwatch and an ordonance map » de Samuel Barber est tirée d'un poème de Stephen Spender qui décrit la mort d'un soldat durant la guerre d'espagne. Marche et déploration rythmés par les battements implacables des tambours, le chœur à l'antique personnifiant cette marche vers l'ultime étape, comme dans une tragédie grecque. Fort belle musique, humble et profonde. Interprétation juste et véritablement incarnée (dans les œuvres significatives) du chœur de Stuttgart et de Marcus Creed, excellents découvreur d'un répertoire choral toujours à défricher. (Jérôme Angouillant)  The SWR Vokalensemble Stuttgart is one of the few choirs enjoying an international reputation. Their latest recording has “America” as its subject - and presents a tremendously wide range of forms and expressions, from music written under the influence of European masters to works that boldly explore experiments in aesthetic reorientation. The big names of the U.S. composers are of course represented, including Leonard Bernstein with his single a cappella work, the “Missa Brevis”, Steve Reich with his minimalist “Proverb” and John Cage with some of his late “Number Pieces”. Everything is presented at the highest artistic level, with ravishing sonics that cannot be beat.
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