par Percet GILLES-DANIEL |
Date d'ajout : lundi 23 juin 2014 |
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Pour qui découvrira ici le clavier de ce fils prolifique de Bach, la surprise sera grande. Et bonne idée, justement, d'avoir commencé ce volume (un deuxième est paru) par la sonate la plus étonnante, la plus radicale (ou caricaturale, si l'on n'aime pas), la plus emblématique de ce compositeur (référencée H47). Nulle de plus improvisée, semble-t-il, avec ses changements à vue quasiment délirants, cahotiques. Presque du collage, de la musique cubiste. Ou du pince-sans-rire à la Erik Satie. On imagine l'accueil à l'époque, de quoi passer pour un doux zinzin : musique à proprement parler extra... vagante. Et dire qu'un prince (surtout obnubilé par la flûte, il est vrai) l'a quand même entretenu (même à peu cher) selon la tradition!
Changements à vue dans un même mouvement (souvent Carl Philipp Emanuel Bach varie, bien fol est qui s'y fie) jusqu'à presque la dislocation du discours : c'est que cette apparence d'improvisation se veut suivre les humeurs capricieuses du sentiment du moment, comme les nuages qui passent rapidement font varier quasiment dans l'instant les nuances mordorées des bancs de sable de la Loire, si vous voyez. Empfinden, éprouver un sentiment en allemand, moins donc en soi quelque lyrisme poussé des mouvements lents en général, mais en permanence cette labilité d'une nouvelle esthétique dite de l'Empfindsamkeit, qui encore de loin jette un pont vers le romantisme.
Haydn appréciait beaucoup C.P.E. qui l'a aidé à se libérer de la musique du passé pour ouvrir vraiment son propre chemin. Au demeurant, écoutez la sonate H27 : de son premier mouvement (plage 10), on dirait presque un inédit de Haydn si vous avez bien dans l'oreille le piano de ce dernier. Allors que le troisième mouvement (plage 12) semble se retourner encore une fois pour un dernier coup de chapeau à papa Jean-Sébastien. Enfin, puisque certains critiques ont cru découvrir par cet enregistrement quelque terrain nouvellement défriché, rappelons ceux antérieurs de (toujours au piano) François Chaplin, Alberto Nosè, Christopher Hinterhuber, Mikhail Pletnev, Edda Erlendsdottir ou Werner Bärtschi, sans oublier le jeune Fonlupt.
Ni désormais la monumentale intégrale (26 CD!) d'Ana-Marija Markovina.
Gilles-Daniel PERCET
Classement : [5 sur 5 étoiles !] |
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