L’élan empli d’écume marine de la splendide Sinfonia Il Coro delle Muse d’emblée le proclame : Enrico Onofri et son Academia entendent bien nous offrir le Vivaldi le plus sensuel, faisant de cet album une enivrante fête sonore. Objet, les « Concerto d’orchestre » où les solos de violon, rares, sont accessoires. C’est le monde de l’opéra qui envahit tout ici sinon la Sinfonia Al Santo Sepolcro, respiration sacrée au sein d’un ensemble éclatant, de l’étonnant Concerto en si bémol majeur, a l’aventureux Concerto Madrigalesca et ses quatre mouvements aux contrepoints savant, et passant par les allégresses des Concerto alla Rustica ou les élans capricieux du splendide Concerto Ripieno. Secret de cette réussite, l’opulence harmonique qui jamais n’empèse le discours, le tout aidé par une prise de son admirable où se dorent les timbres précieux des instruments anciens. Ensemble précieux, rarement réuni en un seul album, qu’Enrico Onofri et sa bande alerte envolent dans un tourbillon de rythmes et de couleurs, jusqu’à provoquer chez l’auditeur une ivresse certaine. Vite d’autres incursions dans le continent Vivaldi ! (Discophilia - Artalinna.com) (Jean-Charles Hoffelé) E. Onofri entend célébrer au-delà de la singularité des œuvres, le concept de singularité lui-même "en tant qu'attribut plus ou moins manifeste de certains phénomènes comme source d'enchantement et de beauté". Le particolaro désigne aussi bien l'extravagant, l'étrange que le fantastique (cf. l'illustration de l'étui représentant une sculpture-céramique rococo fort hétéroclite). Baroque à la puissance n, comme mis en abyme à l'intérieur de lui-même car la notion de "baroque", inventée historiquement après coup, désigne "à la base" une perle irrégulière et bizarre. Ce 2e degré est d'autant plus surprenant que les œuvres sont en majorité des "concerti ripieni", donc sans solistes. Or on pourrait penser que c'est dans le jeu soliste avec ce qu'il permet d'individuation, de virtuosité, que singularité et bizarrerie trouvent leur meilleur terrain d'expression. Sauf que dans le ripieno, la singularité peut user de tous les subterfuges, se nicher n'importe où, affecter tous les paramètres : subversion des genres effaçant la différence entre concerto, symphonie et sonate, ouvrant dans le détail la voie à des combinaisons mouvantes dans un cadre apparemment unifié. Le RV 129, malgré son titre de "madrigalesco" revêt des aspects sévères avec ses citations d'œuvres religieuses ou ses réminiscences d'autres compositeurs. Même particularité plus explicitement affirmée dans l'énigmatique RV 169 (adagio + fugue austères), dans les deux premiers mouvements du RV155, alors que, par rupture, les deux derniers relèvent du concerto avec violon soliste. Cette indistinction a pour corollaire un bousculement ou une alliance d'affects parfois violemment opposés. La singularité se traduit aussi dans l'évocation imitative d'instruments insolites comme cette conque marine, évoquée dans le concerto du même nom, élément naturel introduisant un dramatisme en opposition à la délicatesse des cordes pincées. Admirable jeu sur les timbres dans l'andante du RV149 qui combine et oppose délicatement des cordes pizzicato et des cordes avec archet. Interprétation enlevée, brillante. saisissante. Ces musiciens sont des peintres : le pinceau d'Arcimboldo est comme transposé au XVIIIe. C'est théâtral aussi : divinement goldonien ! Après ses derniers enregistrements magnifiques, Onofri fait une fois de plus des prouesses. Avec un ensemble qu'il dirige pour la première fois au disque ! (Bertrand Abraham)
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