Peteris Vasks (1946-)
Les saisons, pour piano
Musique pour un soir d'été, pour piano

Vestard Shimkus, piano

Il y a des mots, des sons, des présences qui savent nous ramener à nous-mêmes, sur le chemin d’une réconciliation. Le lien sacré au temps et aux choses est au cœur de l’Œuvre de Péteris Vasks que les émotions engendrées par la Nature, les éléments et les saisons imprègnent avec une régularité significative car obéissant toujours à une profonde nécessité. Puisant aux sources du folklore et habitée par un mysticisme sans parure, sa musique ne se laisse enfermer dans aucun système, étant au contraire appelée à se renouveler au gré de son inspiration. / A l’époque de leur composition (1980 et 1981), les pièces Balta ainava (hiver) et Rudens muzika (automne) n’étaient nullement destinées (ou du moins pas encore de manière consciente) à s’insérer dans un cycle consacré aux saisons. Quiconque découvre l’œuvre sous la forme finale et définitive d’une suite de quatre pièces remarquera d’emblée dans quelle lignée elle se situe. Plutôt que de perpétuer l’ordre traditionnel des saisons « mises en scène » par Vivaldi et Haydn (entre autres), le cycle s’ouvre sur l’évocation de l’hiver et s’inscrit ainsi dans la continuité de la Symphonie n°9 de Ludwig Spohr, du ballet de Glazounov et du recueil de Tchaïkovski constitué de douze pièces illustrant les mois et composé pour le piano comme l’œuvre de Vasks. / Au « Paysage blanc » de l’hiver, calme, contemplatif, dépouillé, succède la « Musique de printemps » au frémissement envoûtant, évocateur et d’une sensualité raffinée. Toutes les caractéristiques qui rendaient irrésistible et troublante « La Primavera » (Trittico Boticcelliano) de Respighi émanent du piano seul (mais quel piano !) n’ayant rien à envier en puissance expressive et suggestive à l’orchestre avantagé par la séduction de ses timbres. Ce mouvement révèle par la suite une diversité confondante dans son développement mêlant jeux de couleurs dignes d’un Debussy ou d’un Messiaen et exaltation rappelant Scriabine dans sa quête mystique d’absolu menant à l’abandon aux forces dionysiaques des éléments. Comme dans tout chef d’œuvre, l’esthétisme et la spiritualité sont indissociables. Ainsi, la dimension pyrotechnique de la cadence conclusive apparaît comme un don de force, de grandeur et de transparence au couronnement d’une ode à la beauté. « Rieur, j’élève au ciel d’été la grappe vide/Et, soufflant dans ses peaux lumineuses, avide/D’ivresse, jusqu’au soir je regarde au travers. » (L’Après-midi d’un faune). Ces vers de Mallarmé auraient-ils trouvé une nouvelle incarnation musicale ? / Le cycle s’achève sur la « Musique d’automne », écrite un an après « l’hiver » et retrouvant vers sa conclusion la sérénité de celui-ci, mais avec des réminiscences du frémissement printanier. Formellement, la boucle se referme mais, telle l’aria des « Variations Goldberg », cette conclusion vient surtout suggérer au-delà d’une symétrie apparente l’image de l’infini dans le mouvement sans cesse recommencé, le mouvement perpétuel, retenant ainsi le plus essentiel de ce que nous offrent les saisons. Tout en laissant percevoir dans ses grandes lignes la succession de mouvements lent – vif – vif – lent, la structure de l'œuvre est suffisamment complexe pour que des auditions répétées ne puissent en épuiser la richesse reflétant la générosité du geste créateur de son auteur. / Le parcours éclectique du pianiste letton Vestars Shimkus (Beethoven, Soler, Gershwin, Pärt, Shimkus…) se confirme et s’honore ici d’une contribution magnifique à la discographie du répertoire contemporain qui voit compositeur et interprète se rejoindre dans leurs qualités musicales et humaines indéniables. (Pascal Edeline)