 Ce n’est pas le premier album Mozart d’Evgeni Koroliov. En 2006, pour la SWR et Kerstin Hänssler il enregistrait trois Sonates (KV 282, 331, 457) liant la Fantaisie KV 475 au premier mouvement de la Sonate KV 475 : même tonalité, Ut mineur. Son piano se couvrait d’ombres, mais chantait comme peu auront chanté dans Mozart, Lilli Kraus, Claudio Arrau, Horshowski, Pressler, Perlemuter. Dix ans plus tard, Koroliov retourne à Mozart, offrant au sombre premier album son pendant en lumière. Un somptueux Steinway a pris place dans l’acoustique idéale pour le piano de la Jesus Christus Kirche de Berlin Dahlem, capté avec une fidélité fanatique par les ingénieurs de Tacet. Koroliov l’emploi à plein jeu, sonorité d’orchestre qui chante, rayonne, mais jusque dans les ornements se tient dans un profil classique. Bach n’est pas loin, il ne l’est d’ailleurs jamais avec le pianiste russe. Les lignes sont tendues, l’harmonie résonne délivrée de tout pathos, cela se déploie sous vos yeux, vaisseau de lumière, tendre quant il faut, fusant, somptueux, dans les finals – l’Allegro assai de la 332 prend le temps d’un certaine majesté où peut paraitre au second thème comme une aria prémices du jardin des Nozze – toujours d’un équilibre où le clavier se fait profond à force de faire entendre tout de l’écriture. Je comprends mieux, devant une telle démonstration, pourquoi Richter trouvait Mozart difficile : on y est toujours sur la corde pour l’expression, et souvent en dessous pour la simple qualité factuelle du jeu. Koroliov maitrise tout cela, nous emmenant loin dans ces opus si connus, au cœur même de la complexe pensée du compositeur. Ecouter les deux albums en les alternant raffermis encore mon admiration pour cet artiste trop discret. Cette fois il a encadré trois Sonates (KV 330, 332 et 333) entre les Rondos KV 485 et KV 511, la perfection de son disque se trouve aussi dans cette disposition éclairée (Discophilia - Artalinna.com). (Jean-Charles Hoffelé) Grand interprète de l’œuvre de Bach, Koroliov s'est fait connaître par son sens de l'architecture et un contrôle pianistique qui, en refusant toute séduction superflue, permet de mieux laisser parler la musique. Ce disque de Sonates de Mozart en est un parfait exemple. Le choix des tempos par exemple est extrêmement pensé : le premier mouvement de la Sonate en do majeur est bien un Allegro Moderato qui laisse le chant se déployer avec liberté (et quelques ornements dans la reprise). Nul besoin de rubato ici, l'interprète s'efface devant le texte. Tel un peintre, il colore les inflexions harmoniques, rehausse les passages en mineur pour faire naître des abîmes d'émotion sans jamais se défaire de la pudeur mozartienne. Ecoutez par exemple la façon dont il souligne les notes répétées (Andante cantabile de la Sonate en ut) ou les accents déjà beethovéniens (Allegro de la Sonate en fa) : Koroliov se hisse indéniablement avec cet enregistrement parmi les meilleurs mozartiens du moment. Après la joie de vivre (final de la Sonate en si bémol), le disque se referme avec intériorité sur le Rondo en la mineur, chef d’œuvre pianistique de Mozart. Le jeu nuancé du pianiste est à la hauteur de la partition, sur les sommets de la musique. (Thomas Herreng) The latest CD from Evgeni Korioliov offers a new and, at the same time, old answer to the question of whether there is any point in bringing out discs today that have been recorded a hundred times before. Mozart KV 330 etc. - many people are rolling their eyes at it, but only until they hear the first few notes. This music has never been heard like this before. The mobile phone falls into their lap, the computer mouse is still. The ears really want to give it their full attention. Some of the nagging stress of everyday life evaporates. Time drifts by. It makes you happy to watch this. This is actually what music should always do. In the midst of all this pleasure, it's easy to forget that the artful way in which this is achieved isn't thanks to any old pianist. Evgeni Koroliov doesn't go looking for recognition. He calmly takes us by the hand and shows us the beautiful, hidden corners in Mozart's music.
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