Strauss se délecta à jouer avec le soliste, violon, violoncelliste ou piano, lui refusant l’idée même d’un concerto, préférant le confronter au grand orchestre dans des narrations, avec variations (Don Quichotte) ou pas (Heldenleben), le faisant le héros d’une scène de genre (Burleske). Pourtant, jeune homme Strauss céda : le 5 décembre 1882, Benno Walter créait, avec le seul accompagnement pianistique, un Concerto pour violon où l’on peinera à reconnaitre le futur auteur de Salome. Il faut tout le talent de Thomas Albertus Irnberger pour gommer ses longueurs, nous remboursant dès qu’il chante avec art le second thème de l’Allegro, Martin Sieghart se mettant à son diapason lyrique. Mais l’œuvre est aussi diablement virtuose, et d’une écriture plutôt à-violonistique comme le notait justement Ulf Hoellscher : écoutez comment Irnberger déroule le merveilleux Rondo, sur le fil d’un archet impondérable. D’une toute autre importance, la grande Sonate pour violon et piano de 1897 annonce par son lyrisme fiévreux, son écriture capricieuse, ses élans conquérants que Michael Korstick magnifie sur le grand concert du facteur viennois Johann Baptist Streicher, le futur Richard Strauss. Le discours, si chaotique, d’un incessant appassionato, sollicite ardemment les deux solistes, le violoniste épaulant ses vastes soliloques au piano orchestral. Le génie narratif de cette partition trop méprisée éclate ici, irrésistible. (Discophilia - Artalinna.com) (Jean-Charles Hoffelé)