Arnold Schoenberg (1874-1951)
Erwartung, Monodrame en un acte, op. 17 (1909-1914)

Helga Pilarczyk, soprano
Nordwestdeutsche Philharmonie
Hermann Scherchen, direction

Manifeste à la fois d'un théatre résolument expressionniste et apothéose de la technique de déclamation vocale, Erwartung est résumée ainsi par Schœnberg : « Produire en une seconde unique de la plus intense émotion en une œuvre qui s'étend sur une demi heure ». Datée de 1909, Erwartung conte l'attente fébrile et angoissée d'une femme à la recherche de son amant. Tout au long de l'œuvre, elle traverse les états les plus extrêmes, (doute, jalousie, détresse, effroi). Après avoir déambulé dans une forêt aussi ténébreuse qu'oppressante, elle découvre finalement un cadavre. A t-elle tué son amant ? Est-ce un cauchemar, un délire hallucinatoire ? Elle se heurte alors aux murs qui se dressent autour d'elle et préfigurent son destin. Opéra miniature hyper concentré dans son contenu (morbide) et sa forme (très sophistiquée) pour soprano et orchestre. Schœnberg sertit la voix dans un écrin orchestral somptueux, étal et opulent. Le registre vocal, élargi au possible, passe du Parlando au Sprechgesang jusqu'à des gémissements, des vociférations et des cris qui évoquent les figures de Salomé et d'Elektra mises en musique à la même période par Richard Strauss. Hermann Scherchen, grand défenseur de la musique de son temps, scrute en analyste chaque détail de la partition et en restitue l'impact sans négliger l'intensité dramatique. Quant à Helga Pilarczyk, interprète d'élection de Schœnberg (Le Pierrot Lunaire), elle a incarné presque toutes les héroïnes de l'époque expressionniste : Lulu, Marie (dans Wozzeck) et Salomé. Sa voix transcendante, habitée, unique, donne au personnage de cette Femme sans nom, une humanité particulièrement émouvante. (Jérôme Angouillant)