 Vladimir Jurowski en était alors à ses quasi débuts chez Rachmaninov - Glyndebourne n’avait pas encore vu son stupéfiant « Chevalier ladre » - mais dès ces concerts de 2003 et 2004 il affirmait le ton d’épure, la finesse de traits, l’élégance qui feront ici sa signature sonore. Ses « Danses Symphoniques » sans pathos sont le revers de celles, expressionnistes, que faisait rugir Kirill Kondrachine, dessin fait à main levée, d’une pureté de trait, d’une éloquence classique inusitée dans de telles pages. La grande rêverie centrale du Non allegro étend un paysage infini qui ne s’oublie plus, épure absolument, sans pathos, phrasé léger et long ; la Valse de l’Andante, fuligineuse, très suggérée, avec un magnifique violon solo, est un modèle un rien désinvolte qui flirte avec la Valse triste de Sibelius, et cette finesse des coups d’archets ! Le Dies Irae du Final, son capriccio morbide sonneront clairs, mobiles, virtuose. Et « L’ile des Morts » ? Elle fait voir le tableau de Böcklin, et surtout dans son crescendo sans effet, implacablement tranquille, décrit le voyage de la barque saisie dans ce paysage de mer d’huile face à la porte des enfers. Glaçant. (Discophilia - Artalinna.com) (Jean-Charles Hoffelé) Disque évènement qui illustre le travail entrepris dès 2003 (son arrivée au poste de directeur) par Vladimir Jurowski avec le London Philharmonic Orchestra, publié d’ailleurs par le label fondé par l’orchestre. Les deux œuvres de Rachmaninov au programme des deux concerts enregistrés ici, témoignent de façon pertinente de l’entente exceptionnelle entre les musiciens et le chef. Le poème symphonique L’île des Morts est peut-être l’œuvre orchestrale la plus accomplie du compositeur. Elle est inspirée du célèbre tableau symboliste d’Arnold Böcklin décrivant une silhouette fantomatique abordant les rivages lugubres d’une île hantée étrangement évocatrice. L’atmosphère sombre et inquiète de l’œuvre révèle l’inspiration pessimiste du compositeur. Jurowski excelle à restituer la progression insidieuse du climax, de l’ombre à la lumière, des pianissimi les plus subtils (le mouvement des rames sur l’eau, le grincement de la barque) les grondements des tuttis, jusqu’aux ultimes mesures ténébreuses où le passeur après avoir convoyé l’âme du mort, retourne de l’autre côté du Styx. Autre œuvre capitale datant elle, de la dernière période du compositeur ; les Danses symphoniques révèlent une modernité inédite. Dissonances répétées, emprunts à la liturgie et « faux départs » (L’Andante "tempo di valse") émaillent les trois danses. On retrouve là aussi le thème fil rouge du compositeur, le Dies Irae, dans un final Allegro haletant. C’est également une véritable leçon d’orchestration dans la variété des moyens mis en œuvre. L’orchestre subjugue par son homogénéité et son engagement, comme un fauve totalement soumis à son dompteur. Magnétisé par la baguette du diable russe, le LPO livre ici une interprétation "alla fresca" aussi dense qu’habitée. (Jérôme Angouillant) These live recordings capture some of the first fruits of Vladimir Jurowski’s celebrated relationship with the London Philharmonic Orchestra, an ensemble through which he has championed the music of Rachmaninov both at the Royal Festival Hall and at Glyndebourne. These accounts of two contrasting but equally gripping orchestral works mirror the freshness and immediacy of the Russian musician’s relationship with this great British orchestra.
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