Mortensen Symphonie et autres œuvres orchestrales Mikkelsen - PSC1306 - Contemporain

En 1954, l'année qui le vit se révéler comme compositeur, Mortensen confia qu'il n'aurait jamais envisagé d'écrire pour l'orchestre sans l'exemple de Bruckner. De sa symphonie tout juste achevée, le musicien norvégien avait alors jugé son adagio seul digne d'être joué au concert. Sa création à Bergen en 1957 fut un triomphe mais l'intégralité de l'œuvre dut attendre 1963. Cas complexe que cette symphonie dont les orientations contradictoires en font une œuvre «de transition». Groupements de pupitres en registrations, accentuation des contrastes de dynamique et de couleurs tels ces gigantesques forte paroxysmiques de tout l'orchestre auxquels succèdent de longs accords méditatifs, atmosphères pastorales ou crépusculaires sont autant de caractéristiques trahissant la «filiation» brucknérienne. Si celle-ci est pleinement assumée dans les trois premiers mouvements, la dimension réflexive de la très dense fugue finale au thème en valeurs longues se prêtant à toutes les transformations annonce déjà l'adoption du dodécaphonisme qui caractérisera sa production ultérieure. Sa teneur de musique pure la rapproche du courant «Nouvelle Objectivité» représenté par ce fabricant de fugues magistrales (en dépit ou en raison de leur froideur) que fut Hindemith. De la même façon que chez ce dernier le contrepoint de Bach, l'étude du langage de Bruckner entraîna chez Mortensen l'expansion de ses potentialités et non le repli nostalgique. En témoigne sa faculté d'y mêler l'art consommé de la dissonance digne du Prokofiev avant-gardiste de la deuxième symphonie et l'expression d'angoisse rappelant parfois Chostakovitch. Le XXe siècle regorge de situations signifiantes, révélant des paradoxes inévitables mais auxquels le tutoiement des limites est censé mettre fin. En voici un exemple frappant. (Pascal Edeline)