Johann Kuhnau (1660-1722)
Sonate n° 1, Il Combattimento trà David e Goliath
Sonate n° 2, Saul malinconico e trastullato per mezzo della Musica
Sonate n° 3, Il Maritaggio di Giacomo
Sonate n° 4, Hiskia agonizzante e risanato
Sonate n° 5, Gideon Salvadore del Populo d’Israel
Sonate n° 6, La Tomba di Giacob

Federico Caldara, clavecin
Luciano Bertoli, récitant

Contemporain de Pachelbel et de Buxtehude, Johann Kuhnau (1660-1722) fut le prédécesseur de Bach comme Cantor à Saint-Thomas de Leipzig. Homme de lettres, féru de science et de droit, il est l’auteur d’un ouvrage satirique « Le charlatan musical » dans lequel il critique les institutions et s’oppose à l’influence italienne qu’il juge envahissante (la mode à l’époque chez les musiciens était de s’affubler d’un pseudonyme italianisant). Kuhnau est l’auteur de multiples œuvres vocales sacrées écrites en latin ou en allemand et de quatre recueils de sonates pour clavecin dont Bach a pu s’inspirer. / Publiées en 1700, Les « Sonates Bibliques » sont un ensemble de 6 sonates pour clavier, qu’il soit profane (clavecin) ou sacré (orgue). Chaque sonate a un titre, elle est divisée en épisodes dramatiques inspirés des récits de la Bible. Ces saynettes sont commentées de façon explicite. On est dans le théâtre et le texte musical recourt à un certain figuralisme. Attaché au contrepoint qu’il utilise de façon souple, associé au style « fantastique » d’un Biber ou d’un Froberger, et ne reniant pas l’influence française et le goût de la mélodie, Kuhnau imprime au style de ces sonates une variété d’ambiances et de motifs suffisants pour dépeindre un tel « programme ». C’est en fait plus une musique descriptive tant la structure est autonome (le texte n’a jamais un impact déterminant sur la forme). Cette nature hybride constitue son originalité. / Federico Caldara aborde ces pages avec parcimonie, sans effusion. Son jeu sait restituer les émotions et les climats les plus divers. Le fameux « combattimento » est joué avec toute la clarté et la dynamique qu’exige l’instrument. Sans brutalité mais avec tact. Kuhnau indique d’ailleurs que le clavecin est ici préférable à l’orgue. Le fugato qui suit n’a pas besoin d’être précipité pour traduire la fuite des Philistins. Au début de la 6ème sonate, la plus introvertie, pour décrire l’affliction des fils d’Israël devant leur Père moribond, Caldara laisse s’écouler la mélodie avec tendresse et simplicité. Il ne recherche jamais ostensiblement les affects mais s’emploie à montrer la beauté intrinsèque de cette musique en ne négligeant jamais les couleurs et le timbre de son clavecin. Ce dernier, une copie d’un Pascal Taskin de 1769, convient très bien au jeu du claveciniste qui use de tout son ambitus. Sa sonorité est toute en retenue et pleine de délicatesse. Notons que la prise de son est « objective », elle n’est ni trop proche ni trop lointaine et fait sonner l’instrument le plus naturellement possible. Luciano Bertoli, le récitant relance le discours musical à chaque « entrée en scène », assurant parfaitement son rôle d’acteur. On a connu les versions de Gustav Leonhardt, de John Butt et dans une moindre mesure, de Luc Beauséjour dans cette œuvre. Cette nouvelle approche latine qui associe suavité et rigueur, complète avec bonheur une discographie restreinte. (Jérôme Angouillant)