Emanuell Soncino (1600-1660)
Cromatica

John Bull (1562-1628)
Pavane chromatique
Gaillarde chromatique

Johann Jacob Froberger (1616-1667)
Toccata II en ré, FbWV 102

TTarquino Merula (1594-?1625)
Caprice chromatique

Extrait de la tablature de Przemysl (Pologne, 18ème siècle)
Toccata en la

Jan Pieterszoon Sweelinck (1562-1621)
Fantaisie chromatique

Elisabeth Jacquet de la Guerre (1665-1729)
Prélude en sol

Jean-Philippe Rameau (1683-1764)
L‘Enharmonique

Jean-Baptiste-Antoine Forqueray (1699-1782)
La Marella

Sebastián de Albero (1722-1756)
Recercata V en do mineur

Domenico Scarlatti (1685-1757)
Sonata en do mineur, K 58

Johann Sebastian Bach (1685-1750)
Fantaisie chromatique et fugue, BWV 903

Padre Antonio Soler (1729-1783)
Fandango

Marcin Swiatkiewicz, clavecin

Ce Cd propose un choix — dont l'interprète assume pleinement la dimension subjective — d'œuvres du XVIIe et du XVIIIe siècles pour clavecin, provenant d'horizons géographiques divers. Ce « récital » est l'aboutissement d'un projet réfléchi, ingénieux et cohérent : les pages interprétées ici illustrent ce qu'est le « chromatisme » dans la musique prébaroque et baroque pour clavier. Et comme l'indique le sous-titre de l'album, c'est évidemment vers l'affect qu'il faut chercher sa fonction : il participe d'un « art d'émouvoir l'âme ». La production, dans des compositions régies par la tonalité, d'irrégularités, d'étrangetés, de bizarreries qui font « dis-sonner » — mais nourrissent aussi — l'harmonie, de façon passagère ou plus insistante, participe d'une rhétorique qui s'affirme avec le développement du dramma in musica, du geste et de la théâtralité en musique, du style fantastique (Froberger), d'un certain « maniérisme ». Posé (Sweelinck, Merula) ou fougueux, le chromatisme serait même une sorte de quintessence du baroque. Certains genres se prêtent tout particulièrement à ses traits : le caprice, la fantaisie, la toccata… On admirera ici tout particulièrement des pages surprenantes et peu connues : celles de Soncino (Cromatica, qui donne son titre à l'album), en même temps qu'on se laissera aller à la fougue, à la brillance et à l'entrain irrésistible que donne l'interprète à des pages célèbres comme le Fandango de Soler, la Fantaisie Chromatique et fugue de Bach, ou au rendu des précipitations subtiles qu’on trouve chez un Forqueray, par exemple. Un disque réussi et attachant. (Bertrand Abraham)

Marcin Swiatkiewicz, one of today’s leading harpsichordists, invites us to join him in the multifaceted and wondrous world of chromaticism on his latest CD. He performs repertoire from the seventeenth century on an Italian harpsichord by Detmar Hungerberg with fourteen keys per octave (split upper keys for d sharp and e flat and for g sharp and a flat) and in mean-tone temperament. The repertoire from the eighteenth century is heard on a two-manual copy after Johannes Ruckers by Christian Fuchs. The chromatic style is a special musical phenomenon. Already highly valued by the Greeks during antiquity, it was discovered for the modern world by Humanist scholars of antiquity during the Italian renaissance. Composers and theorists of the sixteenth century infused it with the spirit of the music of their epoch. Chromaticism flourished on the fertile ground of rhetorical polyphony of the seconda prattica at the same time and in the same place that generated the recitative, the opera, and a new homophony. With the repertoire selected for this CD Swiatkiewicz intends to illustrate the phenomenon of chromatic music in the greatest possible number of geographical and historical contexts. For example, John Bull’s Chromatic Pavan & Galliard shows itself from this side: daring modulations lead into keys situated in the dark region of the circle of fifths. Toward the end of the galliard even the key of e sharp makes its appearance. It is often used as an argument for an equal temperament or at least not a mean-tone temperament but an enharmonic tuning system in Bull’s music. For their part, the Toccata by Froberger and the Capriccio cromatico by Merula take us to the heart of chromatic aesthetic experiments. The toccata is an outstanding example of the stylus phantasticus, of instrumental music with a rhetorical character drawing on the music drama and the recitative and combining counterpoint of the finest artistry with instrumental virtuosity.