 Visible dans l'iconographie médiévale, la vielle à roue perd peu à peu son prestige et devient reléguée à un instrument de mendiant jusqu'au début du dix-huitième siècle où, par la grâce d'un luthier inspiré, elle connaît un engouement inattendu chez la noblesse française. La forme de l'instrument avait encore changé et ses sonorités étaient désormais plus douces et subtiles. L'abondance de compositions publiées laisse émerger des noms biens connus tels Corrette, Boismortier et Chédeville qui arrangea le « Printemps » et l’« Automne » (entre autres) de Vivaldi (« Les Saisons amusantes »). Les fruits savoureux d'un tel savoir-faire s'offrent naturellement comme l'argument légitimant l'usage de la vielle dans la musique de Bach, de toute façon cas unique par la multiplicité des expériences instrumentales dont elle a fait l'objet jusqu'à nos jours. L'on peut sans hésiter ajouter l'intérêt soutenu des compositeurs allemands pour la musique française et l'on imagine bien Telemann s'enthousiasmer et rapporter une vielle de son séjour à Paris. Favorisant le registre mezza-voce et constamment habitée, poétique et subtile, Tobie Miller signe un texte instructif évoquant les limites de son instrument, limites qu'elle transcende, dissipant leurs contradictions avec le répertoire interprété en atténuant la sonorité "mécanique" de la roue et en utilisant les bourdons avec goût, toujours dans les contextes appropriés. Les basses de bourdon donnent aux mouvements dits "galanteries" (menuet, bourrée, gigue) une couleur particulière, mystérieuse, évocatrice et compensent à leur façon l'extinction des voix ouvrant la polyphonie et l'absence des passages en doubles cordes. La dimension archaïsante y connait un prolongement inédit, plus onirique, et certaines similitudes de timbres avec la viole de gambe font merveille. Un très beau voyage où la couleur fait naître le dépaysement tout en donnant la direction. (Pascal Edeline) Tobie Miller, la vielleuse, flûtiste à bec et chanteuse canadienne est considérée aujourd'hui comme une virtuose éminente de la vielle baroque et se produit en diverses formations, entre autres en duo avec le joueur de vielle autrichien Mathias Loibner , mais aussi avec des chefs réputés comme Jordi Savall, Christophe Coin et Wieland Kuijken. En 2017, avec l'ensemble Danguy. elle a publié sous le label Ricercar un CD , La belle vielleuse composé de sonates pour vielle du XVIIIème siècle qui fut très salué des critiques. La musique de Jean-Sébastien Bach est un leitmotiv dans le cursus musical de Tobie Miller ; c'est pourquoi adapter pour la vielle à roue quelques-unes de ses magnifiques oeuvres pour solo était son plus grand rêve. Bach a-t-il connu cet instrument ? Si c'est le cas ,alors plutôt sous la forme de l' instrument d'un paysan ou d'un mendiant. Et pourtant la vielle était de son vivant un des instruments préférés des classes supérieures françaises. Tobie Miller utilise pour cet enregistrement des doigtés et techniques de jeu historiques qui sont décrites de façon très détaillée dans des manuels d'enseignement français du XVIII ème siècle. De même elle emprunte des techniques de jeu d'autres instruments à cordes baroques : ainsi par exemple le pizzicato, et aussi l'art de tourner la manivelle vers l'avant puis l'arrière pour imiter le staccato d'un violon. The Canadian singer, hurdy-gurdy and recorder player Tobie Miller is recognized today as an outstanding virtuoso on the baroque hurdy-gurdy, and performs in a number of ensemble formations, including in duo with the Austrian hurdy-gurdy player Matthias Loibner, but also with well-known conductors such as Jordi Savall, Christophe Coin, and Wieland Kuijken. In 2017, together with Ensemble Danguy, she released on the Ricercar label the highly acclaimed CD La Belle Vielleuse, featuring eighteenth-century hurdy-gurdy sonatas. Johann Sebastian Bach’s music has been a leitmotiv in Tobie Miller’s musical life, which is why it was her big dream to adapt his wonderful solo works for the hurdy-gurdy. If Bach knew this instrument, it was most probably as a peasant’s or beggar’s instrument. However, during his lifetime, the hurdy-gurdy was a favorite instrument of the French upper classes. For this recording, Tobie Miller employed historical fingerings and playing techniques, which are described in great detail in French tutors of the eighteenth century. In addition, she “borrowed” playing techniques of other baroque string instruments: for example, pizzicato as well as the forward and backward movement of the crank to imitate the detached articulation of a violin.
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